[size=32]Interview de Conrad et De tri du JDD : https://www.lejdd.fr/Culture/exclusif-conrad-et-ferri-le-38e-album-dasterix-sortira-le-24-octobre-3832760[/size]
[size=31]Le secret est aussi bien gardé que la recette de la potion magique. Ce dimanche, le JDD dévoile la date de la tournée générale. C’est le 24 octobre que sortira le 38e album d'Astérix, héros imaginé il y a 60 ans par René Goscinny et Albert Uderzo. Le quatrième par le dessinateur Didier Conrad et le scénariste Jean-Yves Ferry. Quels ingrédients dans cette nouvelle histoire? La planche de présentation et la première case de l'album que le JDD publie en exclusivité ce dimanche contiennent des pistes.[/size]
Lire - Astérix : voici la première case du prochain album[size=31]Le parler en "ch" nous a rappelé les Arvernes. L’aventure tournera-t-elle autour d’eux, de leur chef Vercingétorix ou des batailles de Gergovie et d’Alésia? Si Conrad et Ferry (ainsi que les Éditions Albert René, propriété du groupe Lagardère comme le
JDD) refusent de dévoiler un mystère connu par moins de dix personnes dans le monde, et s’amusent à mettre en garde contre toute fausse piste, ils ont accepté de livrer quelques indices et de détailler les coulisses de cette fabrication top secret.[/size]
[size=35]Des indices sur le prochain album d'Astérix[/size]
[size=31]
Vous dévoilez aux lecteurs du JDD la première case, sous forme de story-board, du prochain Astérix. Qu’y voit-on?Jean-Yves Ferry. On a rarement débuté un Astérix sur une case aussi mystérieuse. On est au crépuscule devant la hutte du chef. Et on voit arriver trois visiteurs énigmatiques. En regardant bien, vous pouvez déjà déduire des choses… Retenez que quelqu’un de très important arrive au village.
Didier Conrad. Mais si on vous en dit plus, cela casse complètement la lecture. On peut en revanche vous annoncer que la dernière planche représentera… un banquet.[/size]
[size=31]
À quoi ressemblera ce 38e album?D.C. Après
La Transitalique, qui faisait voyager Astérix et Obélix à travers l’Italie, nous restons au village.
J.-Y.F. À notre grand désespoir [rires]. Avec Didier, on a décidé d’alterner village et voyage, c’est un challenge qu’il faut maintenant tenir.[/size]
- Citation :
[size=30]On doit être prudent avec les références, car les présidents passent alors qu’Astérix reste[/size]
[size=31]
Qu’est-ce que cela change?J.-Y.F. Le voyage offre ses propres thèmes, la découverte d’un pays, des clichés… Cela donne une dynamique. Quand on reste au village, il faut creuser un thème de société, jouer sur la psychologie des personnages…[/size]
[size=31]
Et en imaginer de nouveaux?D.C. Dans un album village, il faut inventer beaucoup plus de nouveaux personnages pour créer des situations inédites. Sinon, les figures habituelles sont tellement connues qu’on va retomber sur les mêmes gags.[/size]
Lire aussi - BD, timbres, monnaie... : tout ce que prépare Astérix pour ses 60 ans[size=31]
Trouvera-t‑on un Gaulois réfractaire, en référence à l’expression d’Emmanuel Macron?J.-Y.F. Un personnage sans doute pas, mais l’idée apparaîtra en filigrane. Il y a toujours des clins d’œil à l’actualité.
D.C. On doit quand même être prudent avec les références, car les présidents passent alors qu’Astérix reste. Dans dix ans, tout le monde aura oublié Macron, mais Astérix, lui, sera toujours là.[/size]
[size=31]
Les irréductibles Gaulois auraient-ils été Gilets jaunes?J.-Y.F. Je n’ai pas la réponse. De toute façon, Astérix est sollicité chaque fois qu’il y a une actualité, car il est un symbole. Souvenez-vous de Notre-Dame-des-Landes. Dès que quelqu’un résiste, il est comparé à Astérix.[/size]
[size=31]
Dans la planche promotionnelle que le JDD dévoile ici, vous donnez quelques pistes : Panoramix y parle des Gaulois célèbres. Sera-t‑il question de nos origines?J.-Y.F. Cette planche contient de subtils indices, mais on n’a pas voulu trop en dire. Laissons vos lecteurs deviner…
D.C. Jean-Yves et moi avons souhaité prendre pour point de départ le fameux "nos ancêtres les Gaulois...". Sauf que bien sûr, on ne sait pas trop qui sont leurs ancêtres![/size]
- Citation :
[size=30]Je rêve d’un Astérix de 62 pages, mais le lecteur est tellement conservateur[/size]
[size=31]
Où en êtes-vous dans l’élaboration de cet album?D.C. L’album paraîtra le 24 octobre. Il doit être fini le 6 juin pour être imprimé à plus de 5 millions d’exemplaires! On a pratiquement terminé les crayonnés, la partie créative, il ne reste que quelques corrections dans le texte, de petites retouches dans les dessins.
J.-Y.F. On peut désormais avoir une vue d’ensemble et vérifier que tout est cohérent.
D.C. Puis il y a Albert, qui relit et nous fait part de ses remarques.[/size]
[size=31]
Vous parlez d’Albert Uderzo. Qu’a-t‑il vu?D.C. Les trois quarts des crayonnés. Et cela se passe toujours de la même manière : au milieu de sa lecture, s’il n’est pas sûr, il nous dit : "Il faut voir la suite."
J.-Y.F. Encore plus sur un album village, où il faut avoir tout lu pour bien se rendre compte de l’histoire.[/size]
[size=35]Voici comment se fabrique un album d'Astérix[/size]
[size=31]
Cette année, Astérix fête ses 60 ans. Vous deux également. Mais quel âge a-t‑il dans les albums?D.C. La trentaine, pas plus*. Et ce depuis soixante ans! Cela fait toujours bizarre de voir que lui ne vieillit pas.
J.-Y.F. Astérix et Obélix sont de vieux garçons, certes, mais ils peuvent encore espérer trouver une âme sœur.[/size]
[size=31]
Cosigner la BD française la plus vendue au monde (380 millions d’exemplaires en 60 ans), traduite dans 111 langues et dialectes, ça ne vous met pas la pression?J.-Y.F. Ça y est, vous nous la remettez! Heureusement, après trois albums, on a rodé les méthodes, on connaît mieux l’univers d’Astérix, et du coup, on se sent un peu plus détendus.
D.C. Moi, je n’ai vraiment conscience de la pression qu’au moment de la promotion, quand je rentre en France. Car aux États-Unis où je vis, presque personne ne connaît Astérix.
J.-Y.F. Moi aussi, je suis loin de la pression parisienne quand je travaille chez moi, dans l’Ariège![/size]
- Citation :
[size=30]Il est plus facile de mettre en avant Obélix, avec ses traits humoristiques. Astérix, c’est un héros plus traditionnel.[/size]
[size=31]
Justement, 8.000 kilomètres et sept heures de décalage vous séparent. Comment travaillez-vous ?J.-Y.F. Entre nous, il n’y a rien de physique, tout est cérébral [rires]. On se voit une fois par an maximum. Et finalement on se parle peu, seulement de temps en temps sur Skype, comme ce soir avec vous.
D.C. C’est plus simple d’échanger par e-mail, parce que cela oblige à faire une bonne synthèse. Et puis on n’oublie pas qu’on est des auteurs, mais pas les créateurs. Nous suivons la ligne directrice fixée par Albert Uderzo et René Goscinny. Nous n’avons pas à débattre.[/size]
[size=31]
Concrètement, comment cela se passe?J.-Y.F. Après avoir raconté grossièrement l’histoire sous forme de texte, je crayonne le story-board, puis j’envoie des chapitres à Didier pour qu’il dessine. Avant, c’était par trois ou quatre pages ; maintenant, c’est par paquets de dix. Cela fonctionne mieux.
D.C. Quand c’était par trois ou quatre pages, Jean-Yves avait tendance à revenir dessus au fur et à mesure que je dessinais. Là, il ne retouche que les dernières planches, ce qui me laisse le temps d’avancer. Par dix pages, j’ai aussi le temps de mûrir mon travail. Je peux préparer les personnages en avance et mieux rythmer les séquences.[/size]
[size=31]
Pour préserver le secret qui entoure chaque album, prenez-vous des précautions contre le piratage informatique?J.-Y.F. Tout ce qui est définitif est envoyé de manière cryptée. On a déjà eu quelques petites alertes, alors on fait attention. Hachette, l’éditeur, a bien sécurisé les échanges.[/size]
[size=31]
Comme les précédents, cet album fera 44 pages?J.-Y.F. Oui, toujours. Je rêve d’un Astérix de 62 pages… ou de changer le visuel de début avec la double page. Mais le lecteur est tellement conservateur (et réfractaire!) qu’il y a des choses intouchables.
D.C. C’est de l’ordre du rituel. Tu te rappelles quand on avait enlevé la carte de la Gaule occupée? Plein de gens l’ont mal pris!
J.-Y.F. Il y a eu des interprétations dingues, des élucubrations politiques. On nous a prêté des visées de toutes sortes alors que c’était juste une question pratique : on avait besoin d’une page en plus pour l’histoire.[/size]
Lire aussi - EXCLUSIF. Une série va raconter la vie d'Idéfix avant sa rencontre avec Obélix[size=31]
Parce que faire tenir Astérix en 44 planches, c’est difficile?D.C. Très. Hasard ou non, Jean-Yves arrive toujours à 45 planches. Parvenir à 44, c’est toute une acrobatie !
J.-Y.F. Mais pour arriver à 45, je pars de 62. Le format d’un Astérix est à la fois très court et très long. Il faut donner l’impression d’une grande aventure, où beaucoup de choses se passent, en peu de place. Goscinny savait très bien faire ça![/size]
[size=31]
Récemment, dans une interview au Parisien Week-End, Uderzo a déclaré à votre sujet : "Ils ne font rien sans mon accord." Cette tutelle n’est-elle pas un peu lourde parfois?D.C. Cela pourrait l’être… si Uderzo n’était pas beaucoup plus talentueux que nous. C’est une question de grade.
J.-Y.F. Il voit tout, c’est vrai dans l’absolu, mais cela ne veut pas dire qu’il nous fait des remarques précises sur chaque point. Il est en confiance. Cette phrase, c’est sa façon de rappeler qu’il s’intéresse toujours au personnage qu’il a créé avec René Goscinny.[/size]
[size=31]
Quels conseils a-t‑il pu vous donner depuis 2013?J.-Y.F. Pour les
Pictes, le premier album avec Didier, il m’avait conseillé de faire démarrer l’histoire en hiver. C’était la logique même, alors que j’avais envisagé le printemps. En effet, le héros arrivait congelé dans un glaçon géant. Pour les suivants, il ne m’a pas donné de conseils. Mais nous avons reçu des petits mots encourageants du style : "J’aurais bien aimé avoir cette idée…"[/size]
[size=31]
Dans son interview, il dit pourtant qu’il vous a fait tout reprendre dans l’album actuel…J.-Y.F. On travaille encore sur l’histoire pour l’améliorer ici et là.
D.C. Peut-être qu’Albert a eu des discussions avec l’éditeur sur des idées qui remontaient à plusieurs mois et ne sont plus d’actualité?
J.-Y.F. En tout cas, on a retravaillé certains détails avec l’éditeur pour renforcer l’aventure et mettre un petit peu moins de gags.[/size]
- Citation :
[size=30]Si on se censure trop, on ne peut plus faire de gags. Pour faire rire, il faut souvent titiller la sensibilité des gens.[/size]
[size=31]
Et vous, Didier, qu’avez-vous appris auprès d’Uderzo?D.C. Au début, il m’a beaucoup parlé du regard d’Astérix, de la petite lumière qu’il a dans l’œil. Puis des raies sur les pantalons d’Obélix. Il m’a fait un dessin pour me montrer : "Voilà, c’est comme ça." Car je me trompais dans le nombre. Je me référais aux albums des années 1970, quand il y en avait une douzaine. Aujourd’hui, il y en a seulement trois et demi. Uderzo a modifié son graphisme quand il y a eu des adaptations en dessin animé. Le nombre de rayures devait poser problème. Il a aussi rallongé les corps des personnages pour qu’on puisse les faire marcher plus facilement.[/size]
[size=31]
Comment intégrez-vous le numérique au quotidien?D.C. Cela m’offre plus de flexibilité : je peux scanner de petits croquis, les agrandir, les inverser, les manipuler. Mais je dessine toujours sur papier, avec un crayon et des pinceaux [de la même marque qu’Uderzo].[/size]
[size=31]
Dans ce 38e album d’Astérix, quelle est la part d’innovation et d’imitation?D.C. Il ne doit pas y avoir d’imitation. Il faut que cela donne la même impression, mais sans copier aucun dessin.
J.-Y.F. Quand on va chercher une scène dans un album précédent, c’est justement pour s’assurer qu’on ne la reproduit pas. C’est comme un arbre : on a un tronc, et on ajoute des branches dans d’autres directions, avec des personnages et des situations différentes.[/size]
[size=31]
Cet album, ce sera plutôt celui d’Astérix ou celui d’Obélix ?D.C. Obélix a toujours un peu la vedette avec Jean-Yves, parce qu’il s’identifie pour des raisons de corpulence évidentes [rires]. Plus sérieusement, il est plus facile de mettre en avant ce personnage, avec ses traits humoristiques. Astérix, c’est un héros plus traditionnel.
J.-Y.F. Obélix n’est pas autant mis en avant que dans
La Transitalique. Mais il reste l’élément imprévisible.[/size]
[size=35]Astérix face aux polémiques[/size]
[size=31]
Les femmes au village, l’accent du pirate noir Baba, le poids d’Obélix… Peut-on encore dessiner et rire de tout cela?J.-Y.F. Concernant Baba, par exemple, quelques-uns nous ont reproché de ne pas donner un beau rôle aux Noirs dans
Le Papyrus de César. C’était pourtant l’inverse : les scribes, les intellectuels de l’époque, sont des Noirs dans l’album. Mais certains sont allés chercher le moment où Baba dit "Je ne sais pas lire", car c’est un pirate! C’est devenu plus tendu car toutes sortes de gens regardent Astérix non pas comme une BD, mais comme un prétexte à leurs réclamations. Malgré tout, on peut encore faire passer l’humour dans Astérix. C’est peut-être un des derniers endroits où des personnages ont des gros nez, les Anglais des dents en avant, les Noirs des lèvres épaisses…[/size]
- Citation :
[size=30]On ne peut pas tout chambouler d’un coup : on est dans un village gaulois quand même![/size]
[size=31]
Vous ne faites donc pas attention aux polémiques?J.-Y.F. Pas vraiment, non. J’essaie de rester cohérent dans l’esprit. Quand je ne suis pas rigolo, je le sens. Si on se censure trop, on ne peut plus faire de gags. Pour faire rire, il faut souvent titiller la sensibilité des gens, dans un sens ou dans un autre. Du temps de Goscinny et Uderzo, il y avait certainement une humeur plus légère, un humour bon enfant.
D.C. L’objectif pour Goscinny, c’était de dénoncer les clichés tels qu’ils sont dans l’esprit des Français et des Gaulois.
J.-Y.F. C’est pareil pour les femmes. À l’époque de Goscinny et Uderzo, dans les années 1960, elles étaient d’abord des ménagères, mais avec un caractère bien trempé. Aujourd’hui, cela semble un peu daté, à nous donc de faire bouger quelques petites choses. On glisse un peu de féminisme. Mais on ne peut pas tout chambouler d’un coup : on est dans un village gaulois, quand même![/size]
[size=31]
Justement, avez-vous fait des recherches historiques avant d’écrire les scénarios?J.-Y.F. J’ai relu le contexte. Mais si aujourd’hui on voulait faire un Astérix conforme à ce qu’étaient les Gaulois, on ne reconnaîtrait pratiquement rien du village dans la forêt. N’oublions pas qu’on est dans un conte![/size]
[size=31]
Quel est votre personnage préféré?J.-Y.F. Au début, c’était Obélix, puis Astérix. Maintenant, je dirais Agecanonix, car je vais fêter mes 60 ans. C’est un personnage qui m’est de plus en plus sympathique, qui vit une vieillesse heureuse, y compris du point de vue conjugal.
D.C. Moi, c’est Astérix, puis Panoramix et Falbala.[/size]
[size=31]
Et votre album préféré?J.-Y.F. J’aime les albums des origines,
Astérix légionnaire notamment. Mais vous savez, on n’est pas des spécialistes d’Astérix, on n’a pas été choisis parce qu’on faisait partie d’une secte [rires].
D.C. Mon top 3, c’est
Astérix et Cléopâtre, puis le
Légionnaire, enfin les
Bretons. Côté scénario, j’adore
La Zizanie.[/size]
[size=31]
Dans sa récente interview, Uderzo laissait entendre qu’Astérix ne lui survivrait pas. Comment réagissez-vous?D.C. Nous, on fait un album après l’autre. On le fait du mieux possible, mais cela s’arrête là. L’éditeur ne nous consulte pas sur le reste, sur la manière dont les BD vont être exploitées, les dessins animés…
J.-Y.F. On ne s’est jamais pris pour les auteurs. C’est déjà très jouissif de pouvoir jouer avec le petit monde d’Astérix. [/size]
[size=31]
* Officiellement, dans l’album Astérix et la rentrée gauloise
, Astérix a 35 ans[/size]